-Wes Anderson ; 2018-

Wes Anderson revient à l’animation pour la deuxième fois après Fantastic Mr Fox et utilise la même technique de stop-motion, mais il ne nous parle pas cette fois de renards et des animaux de la forêt, mais plutôt des chiens et des hommes, qui seront le vecteur d’une parabole politique sur ce qu’on appellera sommairement le post-fascisme.

 

 

Dans un futur proche, le maire Kobayashi, qui dirige une province du Japon décide autoritairement de faire expulser tous les chiens à coups de passages en force électoraux, de surenchères sécuritaires, d’assassinats politiques et de propagande paranoïaque, de peur que la fièvre canine qui les affecte ne se transmette à l’homme, plutôt que de développer le sérum du professeur Watanabe. Pas vraiment besoin d’explications, la parabole est limpide, il est plus facile pour une structure de pouvoir de s’épanouir et de se pérenniser en exploitant et en excitant les haines et les peurs plutôt qu’en mettant en avant des solutions concrètes et inclusives.

Cet écrin est la toile de fond d’un récit d’aventures prenant et fichtrement bien emballé, mais c’est à peu près tout. C’est un peu dommage, mais si l’on ne s’ennuie jamais devant L’île aux chiens, force est de constater que le charme de Wes Anderson ne résiste pas à l’épreuve du temps, et il est même assez difficile de se remémorer une scène en particulier. Cela tient au sentiment que L’île aux chiens est un film très programmatique et ne parvient pas à totalement réussir les quelques sorties de routes qu’il s’autorise, la faute à des personnages secondaires très transparents et fonctionnels. Certes toutes les scènes jouissent d’une image d’excellente qualité, certes les dialogues sont aussi fondants que ce qu’on pourrait attendre de la part de Wes Anderson et sur le moment le film n’est jamais ennuyeux ou désagréable.

Cependant, là où Fantastic Mr Fox excellait à faire exister l’intégralité de ses nombreux personnages et à les caractériser, L’île aux chiens est étonnamment très pauvre sur ce plan. Nutmeg par exemple n’est qu’un love interest, tandis que Rex, King, Boss et Duke sont très redondants, tandis que Tracy est carrément une pure fonction narrative artificielle, en plus d’être la seule franchement mauvaise idée du film en terme de représentations et de logique narrative.

L’île aux chiens a beau être extrêmement sympathique et bien emballé, il n’en demeure pas moins une impression tenace que Wes Anderson n’a pas vraiment réussi à transcender son cahier des charges, ni même à justifier clairement et efficacement pourquoi il se passe au Japon et pas ailleurs, et c’est très dommage.

Lino Cassinat

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