– Thierry Frémaux ; 2017 –

Lorsqu’en mars 1895, les frères Auguste et Louis Lumière installèrent leur nouvelle invention, le cinématographe, et commencèrent à filmer les ouvriers sortant de leur usine lyonnaise, ils n’avaient aucun moyen de savoir à quel point ils révolutionnaient le monde de la culture. Plus d’un siècle plus tard, nous sommes des millions à travers le monde à nous retrouver face à un écran de cinéma pour rire, pleurer, vibrer, trembler, espérer, douter… bref, pour vivre.

S’il y avait bien une personne qui pouvait rendre hommage à ces frères inventeurs devenus réalisateur et acteur, c’est bien Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière de Lyon et délégué général du Festival de Cannes. C’est donc un grand cinéphile, aussi passionnant que passionné, qui livre Lumière ! L’aventure commence, un recueil de 108 films superbement restaurés, choisis parmi le catalogue des premières œuvres des Lumière.

Ces films muets en noir et blanc, durant une cinquantaine de secondes, sont simplement accompagnés de commentaires de Thierry Frémaux et de la musique de Camille Saint-Saëns, un des premiers compositeurs à écrire la musique d’un film. On oublie alors rapidement qu’on regarde un documentaire, et on se retrouve plongé, avec un plaisir indicible, dans l’apparition du septième art. Le spectateur est marqué par le fait que, dès les débuts, dans le tâtonnement même de cette nouvelle façon de retranscrire le monde qui nous entoure, dans l’expérimentation inhérente à cette discipline nouvelle où tout restait à inventer, la dimension artistique était indéniable.

Et surtout, tout ce qui fait l’essence du cinéma est déjà présent dans ces œuvres. La recherche du  cadrage parfait, rappelant les arts picturaux. Les expérimentations avec le travelling, mettant pleinement à profit la capture du mouvement qui fait toute la force novatrice du cinématographe. Les premiers effets spéciaux, obtenus par hasard en rembobinant une bande avec le projecteur allumé. Les captations d’événements sportifs sont aussi déjà présentes – on notera toutefois que si Bein ne disposait que d’une seule caméra fixe, comme c’est le cas de l’opérateur Lumière, on demanderait rapidement le remboursement de son abonnement. Même les performances surjouées des acteurs de séries Z et de télénovelas sont présentes dans le comportement de nombreux sujets captés par l’objectif des frères Lumière et de leurs opérateurs.

Le cinéma des frères Lumière est jeune, dynamique, ouvert sur le monde. Il filme le nourrisson qui apprend à marcher comme les hommes plus âgés qui jouent aux cartes. Il s’intéresse à la vie animée des rues d’une grande ville française, comme celle toute aussi animée d’une plage britannique. Il dresse le portrait des ouvriers, des nourrices, des militaires, des bourgeois. Ne se contentant pas de mettre en valeur Lyon, Paris ou la Ciotat, il se rend en Afrique, en Asie, en Amérique. Il sait être tour à tour amusant, impressionnant, attendrissant.

Lumière ! L’aventure commence frappe surtout par son incroyable modernité. En mettant de côté les moyens de transports ainsi que les habits que portent les sujets filmés, on oublie que les images que l’on regarde datent de plus d’un siècle. L’œuvre historique qu’on a devant les yeux redevient presque une simple vidéo de vacances. Le format court des premières comédies ne trancherait pas sur une chaine Youtube. Habitués comme on l’est à la vidéo, à des images travaillées et retravaillées qui  sont si familières, on en oublierait presque la prouesse incroyable des opérateurs du cinématographe.

Lumière ! L’aventure commence s’adresse à tous, cinéphiles ou non, des enfants aux grands-parents. Plus qu’un documentaire, c’est un film, ou plutôt un ensemble de films, saisissant, un retour à la genèse du septième art. C’est aussi un rappel que des Français ont su  être précurseurs dans ce domaine tant technologique, qu’artistique.

David Bolton

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