– Fernando León de Arano ; 2018-

Retracer la vie – criminelle – de Pablo Escobar dans un film de deux heures n’est pas chose facile. D’autant plus quand d’autres œuvres se sont déjà attelées au défi, et qu’une série a retracé sur deux saisons la vie mouvementée du plus grand et médiatisé baron de la drogue. En se basant sur le récit biographique de la journaliste Virginia Vallejo, ancienne amante de Pablo Escobar, Fernando León de Arano adopte un point de vue originale, jusqu’alors inexploité dans les domaines tant cinématographique que sériel. S’appuyant sur le duo Bardem-Cruz que l’on retrouvera bientôt dans le dernier film d’Asghar Farhadi, le réalisateur nous a promis un portrait du mafieux, « tel que nous ne l’avons jamais vu ». Verdict d’une fan de Narcos.

Tout commence par la fin, la chute de l’un des hommes les plus sanguinaires qu’ait connu le monde, lui qui a établi son empire blanc sur des milliers de morts, mafieux eux aussi ou simples citoyens colombiens et étrangers. La chute de Pablo Escobar donc, narrée par son ex Virginia Vallejo, voix-off ambiguë de ce biopic, femme intéressée pourtant prisonnière de Pablo, qu’elle a aimé, et d’Escobar qu’elle a craint. C’est au côté de cette célébrité de la télévision nationale que nous rencontrons le titan entouré de ses sbires lors d’une soirée prestigieuse réunissant les hommes et femmes les plus influents de la société colombienne. Caméra fluide, costumes et atmosphères d’époque convaincants facilitent l’entrée dans ce long-métrage qui se montrera tout de long plutôt regardable, même si davantage téléfilm que véritable œuvre de cinéma. Un film qui, pour retracer la vie rocambolesque de ses deux personnages principaux, a recourt à nombres d’ellipses plus ou moins bien choisies qui nous transportent au long d’une vingtaine d’années de guerre entre mafieux, État et forces de l’ordre. Malgré la volonté manifeste du réalisateur de se montrer exhaustif quant aux étapes cruciales de la vie d’Escobar, il n’en demeure pas moins que l’œuvre se révèle assez superficielle, passant outre l’attaque du Congrès par les troupes du baron et survolant avec une légèreté presque insultante les nombreux bombardements ayant secoué la vi(ll)e de Bogotá et ses habitants.

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Pour camper cet être inquiétant, fait d’un charisme magnétique et séduisant qui pouvait en un instant laisser place à un aveuglement cruel et meurtrier : Javier Bardem. Armé de ses multiples prothèses géniennes et ventrales, cette figure du cinéma mondial confère à Pablo ses traits blasés et sa sourde violence, à l’image de Wagner Moura avant lui. Contrairement à Moura cependant, qui nous a offert des scènes inoubliables dans les deux premières saisons de Narcos, Bardem ne semble pas en mesure de donner de la profondeur à son personnage, conservant tout du long une attitude apathique relativement lassante. Lorsque ce dernier devrait nous effrayer, par exemple lors de la scène de soumission-menace que lui inflige une Virginia aux abois, le résultat satisfait peu nos attentes. Pour lui donner la réplique, Cruz vacille quant à elle entre justesse – ses scènes avec Sarsgaard (quel petit rôle pour un acteur si talentueux… !) notamment – et maniérisme irritant – la scène précitée avec Bardem, pour n’en citer qu’une. Bien que le point de vue adopté est indéniablement original et prometteur, le résultat reste, comme l’ensemble de l’œuvre, bien en deça des espérances. La romance entre les deux protagonistes est d’un classicisme planplan tandis que la vengeance de l’amante à bout de force demeure tristement superficielle. Dernier membre d’un triangle amoureux bien fade, Julieth Restrepo n’arrive pas à relever le niveau et offre une composition bien morne face à celle, éclatante, de Paulina Gaitan dans Narcos.

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Trop linéaire et superficiel, Escobar déçoit par son manque criant d’originalité, nécessaire face aux œuvres ayant précédé concernant le célèbre mafieux. Sauvé par des séquences bien rythmées, retraçant pour la plupart les techniques inventives du baron en termes de torture, ce long-métrage reste un divertissement passable. Malgré son casting prestigieux, il ne fait que nous rappeler toute la richesse et la virtuosité dont a fait preuve la série Narcos avant lui qui, elle, nous a fait découvrir en profondeur les arcanes de cet empire de la drogue. Intéressant lorsqu’il s’intéresse aux bas-fonds du système, des sicarios à l’embrigadement des bidonvilles, Escobar reste bien trop superficiel pour être mémorable. Dommage.

Camille Muller

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